
Il faudrait relire Platon qui disait que "lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants ; lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles ; lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter ; lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux, l'autorité de rien ni de personne; alors c'est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie." Mais qui connait Platon désormais ?
Drôle de monde dans lequel nous arrivons désormais. Enfin plutôt inquiétant que drôle. Au motif que l’enseignante ne les laissait pas utiliser leurs portables en cours, les lycéens du lycée Jean-Lurçat dans le 13ème arrondissement de Paris ont mené une véritable vendetta contre leur professeur d’anglais. Ils ont d’abord écrit à au proviseur une lettre lui conseillant « vivement d’opérer un changement de prof ». Après le refus du proviseur, ils écrivent directement à l’enseignante pour la menacer et lui volent sa clé USB. Je vous laisse lire dans l’article du Monde la beauté de ce que peuvent écrire nos chères têtes blondes…
Le plus grave dans ce fait divers est qu’il est grave mais désormais banal. Il fait partie d’une longue liste de violences, menaces, incivilités contre le corps enseignant. Mais surtout il fait partie d’une longue liste d’humiliation pour les enseignants et l’Education Nationale. Les élèves ou plutôt les enfants-rois vont, bien entendu, s’en tirer à bon compte. Il faut dire que 40 ans de pédagogisme acharné à bien réussi son œuvre : voilà que les élèves sont tellement au centre du système que le professeur et la transmission du savoir n’y ont même plus leur place. Réforme après réformes, circulaire après circulaires, non-réponse après non-réponses, nous avons désormais un désastre à la place de l’Education Nationale…
Dans cette affaire, le pire est que la hiérarchie de l’Education Nationale n’a pas réagi et ne réagira pas. Ce sont les mêmes qui n’ont pas réagi pour tous les autres faits divers et surtout ce sont eux qui ont rédigé réformes, circulaires et règlements qui nous ont mené à cette situation. Ils parlent déjà de remplacer le professeur afin d’assurer la continuité du service public. Mais de quel service public parlent-ils ? Dans de telles conditions, on ne peut plus parler de service public ni même d’Education Nationale. Et pour toute réponse, chacun fait ce qu’il sait faire. Le ministre fait de la politique en annonçant que des équipes mobiles de sécurité vont mener une enquête pour sanctionner les auteurs de cette lettre « injurieuse » (sic !). Les profs et leurs syndicats dénoncent les conditions de travail qui se dégradent, accusent le manque de moyens et pour changer, font grève…avec les lycéens qui les ont menacé.
Drôle de monde où chacun continue son petit train-train comme si ce qui se passait n’était pas de plus en plus grave. Où chacun est plus attaché à son combat politique qu’à la réalité du désastre auquel nous assistons. Où les pompiers sont aussi les pyromanes car il ne faut pas occulter le fait que la grande majorité du corps enseignant était favorable aux méthodes d’enseignement qui ont mené à ce désastre et que les politiques qui le dénoncent sont les premiers à reculer devant ces lobbys. Et petit à petit, nous prenons tous conscience que, vu que l’Ecole est le reflet de la société de demain, nous laissons notre monde s’effriter et que demain ne sera pas très joli à voir…